Du jamais vu, l’équipe allemande de football éliminée dès la phase de groupe, le champion du monde en titre détrônée et humilié, la fière Mannschaft quitte le tournoi en Russie la tête baissée. Der Untergang, la chute, avait titré un des grands journaux outre-Rhin comme s’il ne s’agissait pas que d’un match de football, mais du destin de toute la nation. Et pour cette chute il ne fallait même pas un fiasco comme celui à Knysna en 2010 qui a fait tomber l’équipe de France. La Mannschaft a coulé sans la moindre résistance, juste comme ça.

 

Ils avaient raison. En Allemagne, le foot ce n’est pas qu’un jeu outre-Rhin. Le foot c’est la seule grande fierté qui reste à cette nation qui a déjà abandonné le deutschemark sur l’autel de l’Europe – beaucoup d’Allemands regrettent encore ce dernier sacrifice.

 

Si Jogi Löw, l’entraîneur de l’équipe nationale, échoue, la chancelière Merkel tombera aussi, avaient prédit pas mal d’observateurs avant le mondial. Et aujourd’hui alors que l’impensable est arrivé, on se pose la question : Comment Angela Merkel peut-elle se maintenir encore au pouvoir, elle qui a régné aussi longtemps sur le destin de l’Allemagne que Jogi Löw sur la Mannschaft, elle qui a remporté de grands succès politiques en même temps que Jogi Löw le titre de champion du monde ?

 

Le titre c’était en 2014, à une époque qui semble révolue désormais, une époque où les frontières étaient ouvertes et tranquilles. Ce n’est qu’en 2015 que l’Allemagne fut prise d’assaut par les vagues de réfugiés. Et depuis, plus rien ne va outre-Rhin. Depuis six mois, la Mannschaft n’a plus montré un seul match valable.

 

Depuis le mondial de 2014 et la victoire historique de 7 buts contre 1 sur le Brésil en demi-finale et le but décisif en 113e minute de Mario Götze contre l’Argentine en finale plus rien ne tourne rond en Allemagne. Même plus le ballon. Même pas les constructeurs d’automobile – Volkswagen, Porsche, BMW, Mercedes, Audi – qui avaient même inventé le slogan « Das Auto » qui a agacé tant les concurrents étrangers. La crise des logiciels tricheurs sur les échappements des diesels allemands a jeté les constructeurs allemands dans un tel marasme que l’ancien patron de Volkswagen, Martin Winterkorn, ne peut même plus quitter l’Allemagne. Il doit craindre un mandat d’arrêt international et l’extradition vers les États Unis. Quelle honte, quelle humiliation.

 

Das Auto, der Fussball, die Bank. La Deutsche Bank, créée il y a 147 ans pour casser le monopole que possédaient à l’époque les banques anglaises sur la haute finance internationale, n’est, elle aussi, plus que l’ombre d’elle-même. Elle ne s’est jamais remise de la crise financière de 2008. Se trouvant en mode de crise depuis dix ans, une sortie n’est toujours pas en vue. Cette semaine, son cours en bourse est tombé à 8,76 euros, un bas historique pour l’action qui avait coté avant la crise financière à plus de 100 euros. De plus, elle est la seule banque qui aux États-Unis n’a pas réussi le stress test de la Fed. Maintenant, la banque n’a plus le droit de rapatrier d’éventuels bénéfices des États-Unis vers Francfort.

 

Quelle sortie pour cette Allemagne en détresse, malgré son faible taux de chômage, ses excédents commerciaux, ses excédents budgétaires et toute sa force économique ? Un départ de Jogi Löw, un remplacement d’Angela Merkel à la tête du gouvernement ? Les problèmes sont plus profonds. Depuis 20 ans, l’Allemagne n’a pas su se réformer, se moderniser, s’adapter à un monde en ébullition et en transformation profonde. L’Allemagne a trop vécu sur ses acquis.

 

 

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